Dommages de guerre printLe vendredi 7 juin, la rédaction de l’Avenir Huy-Waremme a lancé une nouvelle série : « Dommages de guerre« . Derrière cette série, le premier vrai projet bi-média de la rédaction. A titre personnel, c’est le projet le plus important que j’ai conçu.

Tout est parti de l’article d’un collègue : fin 2012, les Archives générales du royaume organisaient une exposition sur des archives presque perdues : les dommages de guerre. Il s’agit de dossiers rentrés à la suite de la seconde guerre mondiale par des victimes du conflit. Ce qui m’a immédiatement intéressé : ces dossiers sont des témoignages (histoires manuscrites, photos, plans…) de première main, l’occasion de redécouvrir la vie dans les villes et villages. Ces archives sont d’autant plus passionnantes qu’elles étaient un peu perdues dans un entrepôt dont plus grand monde ne connaissait l’existence.

Mon idée est alors de m’inspirer de Mémoires d’Algérie mené par OWNI et journal algérien El Watan : le lecteur pourrait découvrir les archives via une carte de la région.

ArchivesLa première étape fut de me rendre au dépôt des Archives afin de voir (et comprendre) quelle est la « matière première » et voir si le projet peut être mené. Les dossiers sont classés par villages et, pour les villes importantes, même par rue. Il faut d’abord consulter les fiches de recherche. On y trouve le nom du demandeur, l’adresse et le montant.

Afin d’éviter d’être noyé dans les données, un archiviste nous a conseillé de filtrer les demandes en fonction des demandes. Une idée qui a un double avantage : gagner du temps en compulsant les fiches et augmenter ses chances d’avoir une histoire bien documentée au final.

Mettre en place une méthode

Il a fallu s’organiser : chaque fiche retenue était encodée dans un tableur avec quelques infos (chaque entrée dispose de son propre code pour notre travail). Pour donner une idée de l’ampleur du travail : à ce jour, j’arrive à peine à la moité des communes et villes couvertes par la rédaction mais je suis déjà à 1000 entrées.

Je demande ensuite à consulter les dossiers retenus en salle de lecture (l’avantage d’avoir encoder dans un tableur permet aussi aux archivistes de gagner du temps dans leurs recherches pour les dossiers).

A chaque fois, lorsque j’ouvre un dossier, j’ai cette petite excitation : quelle histoire vais-je découvrir ? quels documents aurais-je pour l’illustrer  ? Mais la pêche n’est pas toujours bonne, je dirais qu’un dossier sur trois consultés peut nous apporter une histoire à raconter. Dans ce cas, je prends en photo les documents les plus intéressants.

Pour une raison d’organisation, je vais seul ou accompagné d’une collègue une journée par semaine aux archives. On tente ainsi de réduire les temps perdus en déplacements.

Une fois à la rédaction, il faut alors décharger les photos en prenant soin de garder la référence du tableur. On peut enfin se mettre à l’écriture.

Soigner la mise en page print

Pour l’aspect print, j’ai demandé un coup de main à deux graphistes travaillant au siège central. L’un a conçu un bandeau thématique ainsi que des appels aux lecteurs (je développe ce point un peu plus loin), l’autre s’est occupée de la mise en page. Une bibliothèque (double page – simple page) a été créée en fonction des besoins.

La mise en page de la série sort réellement du lot. Je pense que c’était important d’avoir ce soin, même toutes les séries ne peuvent en bénéficier. Ici, on part sur du long terme (plusieurs mois à raison d’une publication par semaine). Mais une inconnue persiste : est-ce qu’on aura à chaque fois des documents pour illustrer les histoires ?

Du crowdsourcing

promo dommages de guerre 2

C’est Nicolas Kayser-Bril qui m’a apporté une possible solution : pourquoi ne pas faire appel aux archives personnels des lecteurs ? Voilà donc le projet qui s’enrichit d’une partie crowdsourcing.  Pour lancer la machine, j’ai créé une page FB spécifique. L’idée : partager nos découvertes aux archives pratiquement en direct avec les internautes. Une façon de leur donner envie d’embarquer dans le projet, de créer une communauté et de nous aider avec leurs documents. J’ai hésité à compléter avec Pinterest (mais en discutant avec Cyrille Franck, j’ai abandonné l’idée).

Idéalement, comme me le conseillait Cédric Motte, il aurait déjà fallu avoir un mini-site/page web opérationnelle au moment du lancement de la page FB. Mais je reviendrais sur ce point un peu plus tard.
L’appel aux lecteurs a également été fait via des annonces dans l’Avenir Huy-Waremme mais aussi (un peu plus tard) dans le toutes-boîtes qui fait partie du groupe.

Par cette façon de procéder, on tente d’inverser un phénomène souvent observé : tu sors un papier (généralement historique) et les gens se manifestent ensuite pour dire qu’ils ont des infos.

C’est la première fois que la rédaction mène un crowdsourcing. Le pari est loin d’être gagné : la zone couverte est majoritairement rurale avec peu d’interaction sur le web (on a déjà pu s’en rendre compte via notre page facebook) et je pars aussi dans l’inconnue (comment susciter et gérer les possibles apports des lecteurs?).

Les premiers résultats ont été assez décevant : alors que la page FB était lancée et que les annonces étaient régulièrement publiées dans nos pages, on ne peut pas dire qu’on croulait sous les demandes. Tout juste, remarquait-on un intérêt. Le suspens était donc entier avant le lancement de la série.

Deux médias complémentaires

Dommages de guerre webMais la réelle nouveauté (et l’intérêt) de « Dommages de guerre » est de jouer à fond la carte de la complémentarité print-web. Je dis aux lecteurs : grâce aux archives, je peux vous raconter des histoires mais si vous voulez en savoir plus et découvrir toutes les archives, venez les découvrir sur notre site web. »

Ici aussi, j’ai voulu soigner l’apparence et la convivialité. Dès le départ, je voulais replacer sur les dossiers sur une carte. C’est relativement facile vu que les dossiers ont une adresse (bon, parfois les rues ont changé de nom) et puis ça peut donner aux visiteurs d’aller fouiner à gauche ou à droite. Je trouvais aussi intéressant d’avoir des curseurs pour les recherches en fonction des auteurs des dommages.

Pour cette partie, j’ai bossé avec la cellule des webmasters. Pour moi qui suis habitué à mener mes projets dans mon coin, en totale indépendance, ce fut une découverte. Il faut parfois prendre son mal en patience et s’insérer dans des plannings.

Dans un premier temps, on avait envisagé de mener entièrement le projet en interne.

Puis le hasard a fait que le coordinateur web a été contacté par Esri, une société active dans la cartographie. « Dommages de guerre » a été retenu comme projet pilote afin de voir comment on pourrait travailler ensemble.

Dommages de guerre web esri

C’est aussi un webmaster/infographiste, Cédric Dussart, qui s’est chargé de la mise en page. On a aussi intégré un appel pour les témoignages directement depuis cette page.

Dans un prochain post, je dresserai un premier bilan de ce projet (audience, retour lecteurs, quantité de travail…)

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