La Reuters Institute vient de publier un rapport sur la transition numérique d’entreprises de presse locale. Huit médias dans quatre pays européens ont été interrogés. Dans ce post, je relève quelques éléments qui ont plus particulièrement attiré mon attention. Co-Auteur, Joy Jenkins m’a gentiment autorisé à écrire ce résumé pour mon blog. Si vous souhaitez accéder au rapport (anglais), cliquez-ici.

Entre novembre 2017 et février 2018, la Reuters Institute a réalisé 48 entrevues dans 8 médias implantés dans 4 pays : Ouest-France & Nice-Matin (France), Huddersfield Examiner & Kent Messenger (Royaume-Uni), Westfalenpost & Main-Post (Allemagne) et Kaleva & Etelä –Suomen Sanomat (Finlande). En Allemagne et au Royaume-Uni, des entrevues ont également eu lieu avec des représentants des groupes Noz Medien et Johnston Press.
Ce rapport rédigé par Joy Jenkins et Rasmus Kleis Nielsen aborde les stratégies éditoriales, les stratégies de distribution et les stratégies commerciales.
Rationaliser les efforts éditoriaux
Le Trinity Mirror (éditeur du Huddersfield Examiner – UK) est organisé en centres régionaux qui créent des contenus numériques (vidéos…) accessibles aux petites rédactions locales.
Chaque semaine, les représentants des différentes rédactions font le point sur ce qui a bien fonctionné sur leur site. Ils abordent également les reportages que les rédactions pourraient intégrer et les nouvelles idées de contenu.
Le Trinity Mirror a aussi mis en place un groupe Facebook privé où les membres des rédactions peuvent partager des idées, échanger leurs expériences… Par ailleurs, le groupe de presse propose des formations internes.
Plus interpellant : les rédactions sont encouragées à atteindre des objectifs de pages vues, de visionnages de pages vues et d’engagement social.
Le NOZ Medien (groupe de presse allemand avec 42 journaux) a mis en place une équipe de recherche et de développement avec deux objectifs : construire des écosystèmes et des infrastructures techniques numériques ; développer la stratégie de contenu.
Via un financement de Google Digital News Initiative, NOZ Medien vise également à mieux comprendre les habitudes quotidiennes de consommation de ses lecteurs.
Au sein du groupe Keskisuomalainen (éditeur du Etelä –Suomen Sanomat), les éditeurs numériques des différentes rédactions se réunissent toutes les deux semaines pour hiérarchiser les besoins et développer les meilleures pratiques (contenus, réseaux sociaux, paywalls…).
Plusieurs groupes de presse interrogés sont aussi structurés avec un pôle central.
Le Main Post (Allemagne) vise à mieux planifier son offre print et web. Une équipe d’éditeurs est chargée d’évaluer les sujets et de déterminer s’il faut publier en version print, sur le web ou sur les deux. A eux aussi de décider s’il faut élargir le sujet venant d’une rédaction locale, de créer une approche spécialement mobile…
Cette stratégie mise en place en octobre 2017 porterait déjà ses fruits selon le directeur de la rédaction avec une augmentation de 15% des impressions des pages.
À Ouest-France aussi un pôle d’éditeurs est chargé de décider si les publications iront sur le print, sur le web ou sur les deux. Ce pôle comprend également une personne chargée des réseaux sociaux.
Du côté de Nice-Matin, la stratégie s’est développée autour du journalisme de solutions. (lire mon interview de Damien Allemand : Comment Nice-Matin développe le « journalisme de solutions ») Selon Damien Allemand (chef de la rédaction numérique), l’âge moyen de l’audience des articles de solution est de 40-45 ans et provient principalement de Nice et de la région environnante.
Les articles sont produits par un éditeur vidéo et 3 journalistes.
Par ailleurs, Nice-Matin a pour objectif de produire quotidiennement une vidéo conçue pour Facebook.
Créer une culture numérique
Le Westfalenpost (Allemagne) a mis en place un « cluster » régional pour superviser les sections locales du journal. En Belgique, à L’Avenir, une organisation quelque peu similaire a été mise en place. J’en parlais dans ce post de juin 2016 intitulé « Faire de l’info locale la force d’un site de presse : premier bilan en 4 points »
Le Main Post (Allemagne) a lancé les « jeudis numériques » où le personnel apprend à produire des vidéos, des titres…
La mutation vers le numérique, cela passe notamment par un changement des mentalités en interne. Pas toujours évident, comme le confie Julia Back la rédactrice en chef du Main-Post, parce qu’il est difficile de convaincre les équipes de s’investir dans le numérique alors que le print reste la principale source de revenus.
Comprendre son lectorat
La plupart des médias mettent en place des techniques pour cerner le plus précisément possible leurs lecteurs, leurs attentes, leurs intérêts et identifier les groupes cibles.
En travaillant avec des tests A/B, la rédaction de Nice-Matin a déjà déterminé que « la loi de proximité ne s’applique plus, les lecteurs se concentrent sur les sujets plutôt que sur les villes ». De quoi envisager d’espérer toucher un lectorat plus large.
Changement des modèles commerciaux et diversifications
Chez Ouest-France, l’objectif est de gagner la loyauté des abonnés car les abonnés visitent irrégulièrement le site, n’ont pas l’habitude de s’y rendre et finissent pas ne pas prolonger leur abonnement. Le groupe de presse développe donc une offre de newsletters et d’alertes mobiles spécifique aux abonnés.
NOZ Medien a développé toute une série d’activités de diversification : billetteries numériques, sites de ventes de chevaux et de chiens…
L’objectif de ce résumé n’est pas de reprendre l’ensemble des 27 pages du rapport de la Reuters Institute. Ce rapport riche en retours d’expérience est disponible gratuitement en cliquant sur ce lien.