blog FBEn juin 2014, après 4 mois d’évangélisation numérique au sein du groupe lavenir, je suis rentré dans ma rédaction locale avec ce constat : réaliser des projets web particuliers (data…), c’est bien mais il faudrait peut-être améliorer un des canaux qui amène directement les articles aux lecteurs.

Du coup, je me suis penché plus sérieusement sur la page facebook de la rédaction. Jusque-là, on s’intéressait surtout au nombre de fans mais il n’y avait pas vraiment de politique en la matière. Bien sûr, on partageait les grosses infos mais pour le reste, c’était un peu “à pouf” (pour les non-Belges, vous pouvez traduire +/- par “au hasard”).

J’ai donc commencé par changer un peu les objectifs : ok pour  continuer à faire grandir la communauté (qui était un peu dégarnie) mais surtout, il faut travailler sur l’engagement.

Dans ce post, je tente de résumer mon travail. Ce n’est pas évident car j’ai appris par moi-même. J’espère ne pas trop faire rire les professionnels des réseaux sociaux qui liraient ces lignes. Je pense m’adresser avant tout aux journalistes, qui comme quoi, travaillent sur (et avec) la page facebook de leur rédaction (ce qui est souvent le cas dans de petites équipes locales). Un billet sans prétention donc et je serai particulièrement ravi si vous m’apportiez votre retour d’expérience.

Pour une meilleure compréhension du travail entrepris, j’ai scindé le contenu de ce post en plusieurs idées/problèmes rencontrés.

Une dernière précision avant de vous lancer dans la lecture de ce bilan : je consacre presque la moitié de ma semaine aux réseaux sociaux (recherche des articles à mettre en avant, habillage, crafter les posts…)/web. Pas d’horaire figé, c’est toujours l’actualité qui décidera de ma casquette (journaliste, CM/SME…). Pour FB, le plus gros boulot est à fournir le lundi matin: il y a pas mal de matière héritée du week-end (et souvent peu exploitée) ainsi que du sport.

Aujourd’hui, la page FB de la rédaction de HW réalise des scores (en apport de clics sur le site et en engagement) tout à fait honorable par rapport à d’autres pages du groupe disposant d’audiences plus larges que la nôtre. Mais vu les moyens disponibles, l’équipe travaille sur base de bonne volonté: travailler sur les réseaux sociaux se fera donc au détriment d’une production print (ou web). Je préfère le signaler, par respect pour mes collègues, mais aussi pour d’éventuels décideurs/responsables d’édition qui viendraient à lire ce post.

1. Paywall et mobilité

Pour bien comprendre le travail, je dois préciser le contexte dans lequel nous évoluons..

Depuis fin 2013, lavenir.net est passé à un paywall disposant de 3 niveaux:
– gratuit (dépêches…)
– mesuré (les lecteurs ont accès à 3 articles par mois avant de devoir s’enregistrer gratuitement et avoir accès à 7 autres articles)
– payant
Chaque matin, 95% des articles repris dans les pages des éditions locales sont exportés automatiquement en “mesuré” sur le site. Le hic, c’est que les articles en mesuré passent en payant lors de consultation sur mobile… Avec une consommation sur mobile en hausse constante, vous imaginez comme le paywall est une grosse difficulté pour mettre en avant les articles sur les réseaux sociaux.

D’autant qu’à la rédaction de Huy-Waremme nous nous servons aussi des multiples groupes locaux pour relayer les posts partagés sur notre page. Dans certains groupes, les commentaires portent parfois plus sur le non-accès à l’article sur le sujet traité. Plus compliqué encore, certains administrateurs s’interrogent sur l’aspect “publicitaire” des articles non accessibles (“sur ce groupe, pas de pub ou de vente, or, avec votre article, il faut payer pour pouvoir lire”).

La réflexion lors d’un post d’article sur FB doit donc aussi porter sur le paywall (dont nous avons un accès) et l’adapter en conséquence, tout en gardant la philosophie du paywall.

Quand vais-je lever le mur payant ? Pour une info pratique, un avis de recherche, une info “brute” donnée en conférence de presse… Je vais plus loin dans le raisonnement en prenant aussi en compte la commune qui est concernée (la concurrence est plus forte sur certaines zones) et ce qu’on compte faire du post (si c’est pour le partager dans d’autres groupes locaux…).

2. Chercher un bras de levier

Comme je l’ai écrit plus haut, 95% des articles papier sont automatiquement mis en ligne. Chaque matin, j’ai donc une manne d’articles à disposition. Évidemment, tout poster n’a aucun sens. En regardant de plus près les quelques données fournies par facebook, j’ai mis l’accent sur des sujets couvrant des zones où nous sommes le plus suivis. L’idée ? Se servir de “nos bastions” pour faire croître plus rapidement l’engagement de notre page. Cela permet aussi de limiter le travail (retitrer, habillage, enrichissement…) à certains articles et d’éviter de se disperser.

Un choix payant jusque maintenant. Grâce à cela, nous pouvons commencer à agrandir notre périmètre de diffusion sans mettre en péril l’engagement de la page.

3. Ne pas abandonner le navire le week-end

Les moyens humains et financiers de la rédaction sont (très) limités, il faut donc en tenir compte. Impossible d’avoir quelqu’un non-stop sur la page FB. Poster et animer la page se fait donc sur base de bonnes volontés, sans planning. Un accord tacite qui a comme conséquence que le week-end, l’animation de la page dépendra de l’intérêt que porte le journaliste de piquet et de son temps disponible  (à lui le pilotage du journal, la distribution des reportages, la courverture de reportage, la mise en page, la réception, la relecture…). La page restait donc parfois muette du vendredi fin de journée au dimanche matin (les stats s’en souviennent).

Dès septembre 2014, j’ai donc proposé à ma responsable d’imposer 3 posts le samedi et autant le dimanche. Un nombre très limité mais qui fut particulièrement difficile à faire rentrer dans les habitudes. Pendant plusieurs mois, j’ai accompagné ce processus depuis la maison afin d’être assuré d’un suivi sur la page et de lancer la machine.

A elle seule, la couverture des week-ends pourrait faire l’objet d’une analyse approfondie. Ce qui est certain, c’est que le public potentiel est présent (comme le souligne , il faut cependant mieux cibler les heures, affiner l’usage du paywall pour s’adapter à la consommation sur mobile…

+ POUR PROLONGER VOTRE LECTURE : je fais ici une parenthèse pour relayer un post de Yann Guegan intitulé « Pourquoi les sites d’actu se servent mal de leurs stats, et comment ça peut changer« . Yann Guegan fait une retranscription de l’intervention de Stijn Debrouwere, spécialiste des statistiques des sites de médias, au Festival international de journalisme de Pérouse.

4. Que poster sur facebook ?

“Finalement, on poste quoi sur notre facebook?”, me demandait un collègue un peu perdu. La meilleure réponse, je l’ai trouvée en lisant une interview de Catherine Wilmart pour la newsletter d’Ouest Medialab: “D’une manière générale, nous partageons ce qui fait causer dans les cafés : anecdotes étonnantes, amusantes, infos locales qui vont avoir un impact sur la vie concrète des gens.” Avec une précision importante, il faut conserver la ligne éditoriale du journal, comme le souligne Cyrille Franck dans cette vidéo:

Les sujets développés en dossier peuvent aussi être postés mais pour cela il faut réfléchir à l’angle le plus pertinent. Pour un sujet évoquant la réforme des services de secours, je suis parti d’une info anecdotique (reprise sous forme de brève dans la page print) que j’ai habillé (photo…) et mise en ligne gratuitement. Dans cet article, j’ai ajouté des liens renvoyant vers des angles “de fond” (en mesuré ceux-là).

Rien de bien neuf sous le soleil (Marie-Catherine Beuth évoquait d’ailleurs cette façon de travailler dans une de ses chroniques pour l’Atelier des médias) mais cela suppose un travail en amont (cela rejoint la même logique déjà évoquée sur blog concernant les enrichissements d’articles).

Un autre exemple est celui de Pro Publica: Au News Impact Summit (fin avril à Paris), Amanda Zamora a expliqué comment ProPublica a présenté sur facebook un important travail d’investigation sur un sportif américain violeur multirécidiviste : une vidéo de 1 min 30 filmée dans un bureau avec un smartphone, avec un tableau et un marqueur.
Cette vidéo fut un carton.

sharper darren

5. Sport or not sport ?

Lorsque vous évoquez des posts de sports avec le CM de la page FB générique de lavenir.net (le grand manitou des réseaux, donc), vous provoquez chez lui une moue sceptique… mais aimable (non, non, je n’écris pas cela parce qu’il risque de lire ce post). Selon lui, les articles de sport ne cadre pas avec le public suivant les différentes pages locales (je ne parle pas des pages sportives). Mon défaut est d’être têtu, depuis le début, je poste donc régulièrement des articles de sport (une écrasante majorité avec du foot) sur la la page de lavenirHW parce que je pense qu’il y a du potentiel. Mais ici, comme pour les articles de fond, je ne me contente pas de reprendre tel ou tel papier. Je vais aller chercher l’anecdote pour faire rentrer les gens dans le sujet.
Le week-end, un collègue sportif travaille aussi à des angles originaux (souvent des vidéos) qu’il partage sur notre page.

Et en analysant les statistiques, nous avons ciblé quelques thèmes/personnalités porteur. Si un article parle d’eux, nous le mettons en avant sur la page FB. Et dans le même ordre d’idée, nous relevé les articles (portant parfois sur des clubs importants de la région) qui ne marchent pas : dès lors, on ne prend plus la peine de partager.

Grâce à tout cela, des posts de sport se classent régulièrement parmi les articles ayant amenés le plus de visiteurs sur notre site (au niveau des articles de l’Avenir HW).

6. Répercussion sur le traitement des sujets

Le travail sur la page facebook a eu plusieurs impacts au sein de la rédaction:

  • “facebook first”, je reprends ici l’intitulé de la newsletter d’Ouest Medialab qui colle finalement assez bien avec notre fonctionnement: jusqu’alors, si mes collègues rédigeaient un article web durant la journée (généralement un faits divers ou une actualité chaude), ils prenaient juste contact avec la rédaction web au siège central pour leur demander de mettre l’article en évidence sur le site. Maintenant, pour eux, poster sur facebook est une suite de plus en plus logique.
  • (re)mettre l’accent sur la micro-locale qui était parfois mise de côté. Avec quelques fois des sujets qui n’auront une vie que sur le web (pas toujours évidemment à réaliser avec les effectifs limités de la locale)
  • appréhender un dossier en pensant à une déclinaison facebook : dans un article web gratuit, mettre en avant l’info “calibrée” réseaux social et s’en servir comme d’une porte d’entrée dans le dossier (moins facile à mettre en avant). On a aussi réalisé une vidéo teaser postée directement sur FB pour faire parler de notre série aérienne (des premiers pas qui sont encore bricolés et qui doivent encore être peaufinés): 

 

+ POUR ÉCHANGER : je serai à Nantes au Médialab Speed Training le 22 septembre pour présenter et échanger à propose de  ce bilan. Info et inscriptions en cliquant sur ce lien