blog radiocanada petroleJ’ai découvert, sur le tard, j’avoue, les projets datas et les formats numériques de Radio-Canada. Du coup, j’ai interrogé Florent Daudens (ndla : Depuis cette interview réalisée début 2016, Florent est devenu directeur de l’info numérique au Devoir)   qui y est secrétaire de rédaction aux formats numériques, sur leur façon de travailler avec les données, sur comment ils travaillent en équipe, quels sont les outils les plus utilisés, leur approche par rapport au mobile… Sympa, Florent a vraiment pris la peine de répondre à ma petite dizaine de questions.

Et vous pouvez aussi suivre son travail sur son tumblr

  1. Depuis quand Radio-Canada s’intéresse-t-elle aux données ?

Depuis longtemps, mais sous différentes formes. Nous faisions déjà du « Computed Assisted Reporting » il y a quelques années, car le courant nord-américain était assez fort sur la question. Mais pour le journalisme de données avec une forte composante de visualisation, je dirais depuis trois ans environ.

  1. Comment Radio-Canada travaille-t-elle sur les données ? Avec une équipe dédicacée ou disposez-vous d’un ou plusieurs datajournalistes dans différents services ?

Il n’y a pas de datajournaliste à proprement parler. Nous avons une petite équipe d’accompagnement multimédia (journalistes, designers, développeurs), mais qui ne se dédie pas 100 % au journalisme de données. Elle s’occupe de tout ce qui est formats numériques, ce qui inclut aussi les nouvelles écritures, la vidéo sur le web, etc.

« nous avons voulu amener les reporters radio et télé à penser le web comme une antenne à part entière »

Pour faire court, nous sommes à la base de la télé et de la radio, et le site web a un peu moins d’une quinzaine d’années. Notre virage numérique s’est accéléré ces dernières années et nous avons voulu amener les reporters radio et télé à penser le web comme une antenne à part entière.

Nous avons donc lancé une grande offensive de formations, notamment en journalisme de données, pour sensibiliser la salle de rédaction et faire en sorte que les idées viennent d’eux. Notre équipe les accompagne pour des projets de plus grande envergure, mais nous avons aussi le mandat de développer des outils simples d’utilisation pour qu’ils soient autonomes sur de plus petits projets.

En plus de cela, quelques journalistes sont plus pointus en données et nous collaborons plus souvent avec eux.

Nous devons encore internaliser et développer une partie de l’expertise en journalisme de données, notamment au niveau du développement d’applications et de visualisations en front-end.

En revanche, pour des opérations de grande envergure, nous sommes allés chercher une expertise externe avec Polytechnique Montréal, par exemple.

« Notre équipe de formats numériques a aussi ce rôle d’émulation. »

  1. Est-ce qu’il y a eu des formations spécifiques ? Ou est-ce une émulation en interne ?

Les deux. Les formations ont été un point de départ essentiel.

Puis certains ont attrapé le virus et poussent cet aspect plus loin au quotidien. Notre équipe de formats numériques a aussi ce rôle d’émulation. Et lorsque nos collègues voient le résultat final, je crois que ça leur donne envie d’en faire aussi.

  1. Comment sont structurées vos enquêtes : à partir de données ou les données arrivent-elles en complément ?

Cela dépend des reportages. Certains ont eu pour point de départ des fichiers de données, parfois colossaux, d’autres ont trouvé un dénouement ou un complément dans des bases que nous sommes allés chercher en aval.

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  1. Quels sont les principaux outils que vous utilisez ? Pour scrapper et pour visualiser ?

Nous tentons d’internaliser nos outils plus qu’avant, notamment grâce à Javascript (incluant D3) et à Python, mais nous nous appuyons aussi sur une myriade d’outils externes (Datawrapper, CartoDB, etc).

« Si une visualisation ne passe pas sur mobile, nous ne la faisons pas. »

  1. La lecture des données sur mobile est-elle un critère dans le choix des outils de visualisation ?

Assurément ! Si une visualisation ne passe pas sur mobile, nous ne la faisons pas. Plus de 60 % de notre trafic vient de là. Ce qui nous a amené à nous interroger et à revoir nos façons de produire des visualisations de données. Et je dirais la plupart du temps pour le mieux, puisqu’il a fallu simplifier. Mais c’est parfois très contraignant, voire trop.

  1. Dans le cadre d’enquêtes, êtes-vous amenés à travailler avec des outils collaboratifs ?

Souvent. Je dirais que le plus utilisé est bien bêtement Google Spreadsheet. Nous avons aussi exploré des solutions de serveurs de données et Git nous sert beaucoup, même si nous devons raffiner nos processus de production à ce niveau.

Aussi, presque tous les outils « web-based » sont collaboratifs jusqu’à un certain point, puisqu’un secrétaire de rédaction va toujours passer derrière un journaliste pour s’assurer de la validité des données et de la conformité graphique des visualisations / enquêtes de données.

« Nous assistons à une réelle prise de conscience des autorités publiques ces dernières années pour ouvrir leurs données. »

  1. Comment accédez-vous aux données ? Via des sites « open data » ou devez-vous faire des demandes aux administrations ?

Les deux. Nous assistons à une réelle prise de conscience des autorités publiques ces dernières années pour ouvrir leurs données. Néanmoins, c’est parfois l’arbre qui cache la forêt, car certains auront toujours tendance à vouloir cacher des données au public. C’est pourquoi nous devons pouvoir compter sur des lois d’accès à l’information fortes, ce qui est jusqu’à un certain point le cas pour les différents paliers gouvernementaux – même si là aussi, nous voyons des entraves.

  1. Quel est le but de la rubrique « Les cartes week-end » ? Faire connaître votre travail data, donner un rendez-vous pour fidéliser un lectorat…

Les deux 😉 Et aussi créer une habitude à l’interne de travailler avec les données, de créer une culture journalistique sur cet aspect, de développer notre expertise. Presque tous les sujets ont un angle données potentiel et c’est à nous de l’exploiter.

  1. Pour présenter des données sur mobile, avez-vous déjà exploré des formats vidéos (un peu à l’image de Data Gueule) ?

Oui, assez régulièrement et sur différentes plateformes.
De façon très simple sur Instagram, comme ici:

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parfois un peu plus développé sur Facebook:

 

On expérimente régulièrement, par exemple ici en dessin :

Blog radiocanada climat On voit un assez bon engagement sur les vidéos longues, mais sur les courtes, nous sommes encore en train d’analyser les données. L’engagement peut être meilleur avec une simple infographie dans certains cas, surtout si l’on fait un ratio avec le temps de production nécessaire.

  1. Pourquoi développer vos propres outils ?

Pour les possibilités de personnalisation, des questions de coût (de plus en plus de logiciels / sites optent pour des formules d’abonnement ou de stockage de données) et surtout pour développer des « templates » qui sont réutilisables et qui accélèrent le temps de production petit à petit, dans une perspective d’amélioration continue.

  1. L’équipe des formats numériques travaille-t-elle toujours en collaboration avec des journalistes de différents services ou a-t-elle aussi ses propres productions ?

Je dirais que c’est à peu près moitié / moitié. Et des productions émanant de notre équipe peuvent déboucher sur un reportage radio ou télé, notamment quand nous tombons sur des données intéressantes / exclusives.

En général, notre équipe se concentre sur les décryptages, les projects spéciaux (les élections, par exemple) ou des formats spécifiquement numériques (cartes du week-end, semaine en images, etc).

BONUS

5 coups de cœur de Florent Daudens pour Radio-Canada. Autant d’idées pour s’inspirer.

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